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Kâlî

Kâlî est le feu, elle danse sur le corps étendu de Shiva profondément endormi, elle a un pied à terre symbolisant son appartenance au monde manifesté des formes, et un pied sur Shiva symbolisant ce qui est vide et sans forme. De ce pied, elle le frappe encore et encore pour le réveiller.

Voilà la révélation de cette représentation archétypale :

Kâlî, par le pied à terre, représente l’énergie qui engendre tout le monde phénoménal, Shiva représente bien sûr le Soi, le principe immaculé de l’individualité. Le pied de Kâlî qui le frappe représente les épreuves de la vie et la traversée de l’individu dans l’existence, c’est en même temps tout le sens donné à la création : le jeu de servitude et de délivrance.

Shiva reste inerte et inconscient depuis que dure sa nuit, cela représente le ressenti de l’individu dans le sommeil profond, dans lequel il se retrouve dans la nature de Shiva. Mais il représente aussi l’individu en proie à l’illusion et qui, dans le monde de veille et les épreuves de la vie, reste de fait comme endormi. Il est leurré et reste en fait stupéfié, incapable de ressentir sa condition native de Majesté et de Roi de l’univers.

Shiva, qui est la seule présence consciente et inconsciente, commence à être réveillé par les coups de pied de Kâlî. Cela représente pour l’individu le monde des rêves comme lorsque Shiva rêve le monde, le crée et le démonte. L’individu appert à sa propre réalité, il commence à sentir la proximité de quelque chose d’imminent, il perçoit dans le monde de veille l’étrangeté de sa condition.

Kâlî est effroyable, elle se dresse sur un champ de bataille, les combats y sont sanglants et les têtes tombent. Sa fonction n’est pas d’offrir la douceur de sa chair, mais au contraire de trancher les liens terrestres et matériels auxquels l’ego cherche en vain à se raccrocher. Cette puissance engendre des énergies redoutables, ressenties comme folles et furieuses et que l’individu se trouve incapable d’assumer, au contraire il en a peur et se trouve saisi d’effroi.

Pour le Tantrika, il s’agit justement de la sensation recherchée car il lui faut sortir coûte que coûte de la torpeur et de l’ignorance. Il bat en brèche les règles du monde ordinaire et s’aventure résolument vers ce qui est étrange, inhabituel, y recherchant en toute opportunité des énergies à nul autre pareilles.

Enfin dans la symbolique, Shiva à terre est pourvu sur son front du troisième œil, signifiant qu’il ne perd jamais la conscience de ce qui se passe. Pour l’individu, cela correspond à l’état de veille, dans lequel il jouit d’une efficience relative. Mais seul le Tantrika, par ce même œil symbolisant l’unité recouvrée, vise une efficience plus grande et cherche aveuglément à dépasser le doute et la peur. Lorsque enfin Shiva, sous les coups de butoir de la Shakti, s’éveille, par son œil de feu au milieu du front qui fait voir dedans et qui consume la dualité, il perçoit alors l’univers entier à son image.