Le Yoga
(L'union à Soi)
Il existe d'innombrables définitions du Yoga, la majorité d’entre elles rappellent la racine ‘Joug’ qui signifie en sanskrit : unir, garder ensemble. Mais si tant est que cette définition soit la bonne, en vérité que convient t-il d’unir ?
Le yoga nous dit simplement qu’il convient de nous unir à Soi ou encore au Soi, principe ultime de toute réalité, qu’elle soit extérieure ou intérieure, d’ordre phénoménale ou sentimentale, d’ordre objective ou subjective.
Le Soi est un principe universel dont l’homme peut prendre conscience, car il est l'essence de la conscience même de l’homme. Le Soi est l’absolu de l’homme, il n’existe pas pour lui d’autre réalité transcendante.
Mais alors la question devient la suivante : qu’est ce que le Soi ?
Là aussi existent d’innombrables définitions toutes plus ou moins évocatrices et qui laissent très rarement une idée directrice juste et satisfaisante. Ici nous donnons une définition toute simple :
Le Soi est le seul aspect statique de tout ce qui est !
En effet si l’on observe le monde manifesté, tout est en mouvement, en perpétuelle instabilité, les montagnes elles mêmes, nous le savons, ont à leur échelle, une forme de dynamisme, la Terre mère, elle aussi se meut dans l’espace et de fait se trouve soumise au mouvement. Tout ce qui est observable aussi bien dans l’infiniment petit que dans l’infiniment grand se trouve en réalité soumis à une incessante activité.
Seul le Soi est stable et reste immuable !
Ainsi s’il est très facile de définir le Soi, il reste infiniment plus difficile de le réaliser, car comment accepter ce qui est inacceptable : l’immutabilité, l’incorruptibilité, l’inaltérabilité, comment ressentir en soi la permanence, l’immuable, l’éternel et l’infinie certitude d’un principe qui ne change jamais ?
La réponse à cette nouvelle question est la suivante :
Le Soi ne change jamais car il se trouve être au début et à la fin de toute chose, il est la source d’où jaillit tout ce qui émane et en même temps le substrat dans lequel tout se résorbe, il est ce cœur qui pulse en une vibration faite émanation, persistance et résorption. Le Soi est le centre autour duquel, dit-on, tourne la roue des énergies, il en est le moyeu toujours immobile, le véritable centre de l’individu et de tout l’univers.
Cette dernière image nous donne ainsi un autre aspect fondamental du Soi :
Le Soi, s’il est inamovible, n’est pas comme inerte ou inconscient, bien au contraire le Soi se trouve affecté, il se sait être vivant, car le Soi est conscience à l’état pur. Le Soi est fait de pure intériorité, il est pure conscience, il est ainsi inhérent à la conscience de Soi.
Qu’est-ce alors que la conscience de Soi ?
La conscience de soi est de se trouver Etre, mais alors que chacun se trouve être soi-même son corps, son sexe, son nom, son histoire personnelle, le Soi se trouve être sans forme, partout présent et infini. Toute la pratique du Yoga est ainsi de faire passer l’individu du particulier à l’universel, du relatif à l’absolu, être à soi-même sans aucune condition ni limitation, simplement être soi-même tout ce qui est, le Soi...
En même temps, le Soi ou l’être absolu ne sait pas qui il est véritablement, le désirerait t-il qu’il n’en a pas le pouvoir, il n’en a pas la connaissance formelle. Dans l’absolu, l’être ne connaît pas sa dimension dans l’espace, non plus celle dans le temps, c’est pour cela qu’on le nomme illimité, ce qu’il peut savoir à l’instant c’est «qu’il est» et uniquement cela. Ce ressenti de plus, est réalisé, de manière inhérente à la non limitation, comme ne dépendant de rien, autonome, non conditionné, totalement libre. Cette liberté s'applique à sa propre aventure, celle qui consiste dans sa volonté, sa connaissance et son activité à ne dépendre que de lui même.
Le Soi en vérité ne sait pas qui il est, mais ce qu’il sait : c’est qu’il est, spontanément à l’instant reconnu !
Cela paraît bien étrange et peu encourageant, est-ce donc cela le Yoga : ne plus savoir qui l’on est ?
C'est effectivement un peu ça ... lorsque le déconditionnement s’avère complet, en vérité le Yogi ne sait plus ce qu’il est de manière formelle, c'est comme s'il ne savait plus répondre aux questions suivantes : Quel est mon nom ? Quel jour sommes nous ? dans quel lieu suis-je ? ….
Par contre ce qu’il sait c’est qu’il existe, comme suspendu dans un vide, comme dans un éternel présent. Cette perte de l’aspect formel de l’existence a pour effet, et ce grâce à la voie du Yoga, d’éprouver en son cœur, une jouissance ineffable et infinie. En vérité, il faut l'éprouver par soi-même, mais lorsque l'on perd la sensation particulière de la localisation dans l'espace et le temps relatifs, on réalise la seule présence de l'être et ce encore uniquement sous forme de jouissance. Cette jouissance peut parfois être baignée de lumière, elle est alors jouissance extatique, rien ne peut être éprouvé de plus sûr et de meilleur. Cette jouissance surpasse de très loin tout ce qui peut être éprouvé dans le monde relatif. Lorsque l’individu quelque qu’il soit, a eu, un tant soi peu le goût de cette jouissance, il ne cherchera qu’une seule chose : retrouver cette sensation !
Voilà l’explication de ce qui est perdu et ce qui est par cette perte regagnée : la reconquête de la totalité de son être.
Toutes nos activités, tous nos objets de connaissance et tous les sentiments qui s’y rattachent ne sont en fait que l’épreuve de notre nature infinie, unique, éternelle, pure et permanente. Il s’agit seulement de Soi et de sa sensation, de la Conscience et de sa prise de conscience, de l’Absolu et de sa relativité, de la Présence de l’être et de sa jouissance.
En vérité toute cette réalité qui nous occupe est comme un brouillard de formes, de multiplicité et de sentiments mêlés. Qu’il s’éclaircisse à la lumière de la connaissance et alors que l’on voit ce qu’il reste !
L’être ne connaît que sa seule présence, ce sentiment de Soi semble s’être suspendu en un éternel présent. Le présent peut se comprendre ainsi comme ce qui surplombe le temps en un continuum indivisible reliant le passé et le futur, établissant définitivement ce qui n'est autre que cette seule "présence", mais il peut se comprendre par la magie même de ce mot, comme étant également un don de Conscience : le véritable "présent" de l’être, qui à ce moment si précieux, sait qu’il est lui même tout ce qui est. Ce don est purement gratuit, il ne dépend d’aucun mérite, d’aucun effort, il est tout simplement pure grâce.
Ce dont jouit perpétuellement l’être, c’est de sa seule présence en le don spontané de la conscience. Les individus et toutes les créatures y baignent en vérité naturellement et spontanément en toute quiétude, sans aucun effort, sans aucune échappatoire, aucune rémission, ils en sont naturellement la manifestation patente, à chaque instant éprouvée.
Dans le monde manifesté, le Soi se présente sans cesse à tout nos sens et plus particulièrement à nos yeux grands ouverts. Comme les yeux d’un individu, dit-on, y reflètent son âme, toutes les formes visibles de ce monde observable y reflètent l’âme universelle. Il n’y a en fait aucun effort pour le saisir, aucune disposition particulière à acquérir pour le trouver, aucun endroit précis où se rendre pour le connaître, d’évidence à chaque instant il suffit de «voir ce qui est» et de l’éprouver en son cœur … et nous n’aurions la vue pour cette seule sensation, que la même réalité se trouverait dans l’ouïe, dans le toucher et ainsi de tous les sens et de tous les éléments de la nature. La suprême réalité est à chaque instant débordante de sa seule vérité, de manière ininterrompue elle déverse sur ce monde et sur les êtres sa jouissance surabondante et infinie : « Je suis tout ce qui est, et cela est jouissance ».
Ce domaine est comme au delà de ce monde objectif, éternellement présent depuis comme une autre dimension, il s’agit d’un domaine très vaste et très pur, d’où l’énergie se meut sans jamais rencontré d’obstacle, comme dans un vide incréé. De cette sensation le Soi en retire pure affectivité, sous la forme d’une vibration subtile.
Cette vibration est le cœur même du Soi, car la propriété ultime du sujet est de se savoir affecté, il en émane une vibration puissante, douce et pure comme la naissance du jour. Cette conscience de se savoir être provoque l’écoulement d’un nectar d’immortalité, qui perle en un fluide séminal, véritable ambroisie céleste.