Mudrâ
(Les gestes du yoga)
Les Mudrâ constituent un ensemble de techniques de grande intériorité, elles permettent par des gestes appropriés de fermer les portes des sens par lesquelles habituellement l'énergie entre et sort à sa guise et de fait ne se trouve pas sous contrôle. Au contraire grâce aux Mudrâ le yogi va reprendre la maîtrise de ces portes pour les rendre hermétiques et piéger ainsi l'énergie dans le corps.
Dans le yoga tantrique les mudrâ sont des techniques particulièrement importantes, elles permettent de créer dans le jeu de l'énergie comme des passages vers des états de conscience non ordinaires. En effet lorsque ces gestes sont bien appliqués, l'énergie se catalyse dans le corps subtil à un niveau plus intégrant, plus impliqué. Ces énergies donnent par là même comme des opportunités à celui qui plein de vigilance intérieure s'en saisit et peut alors accèder sans tarder à une Réalité Autre .
Ces portes sont principalement :
les yeux :
Les yeux sont dit-on le reflet de l'âme et à ce titre les gestes que l'on effectue consciemment sur eux permettent comme par mimétisme de déclencher au niveau du corps subtil les énergies correspondantes. Les gestes effectués avec les yeux sont extrêmement puissants, certainement les plus puissants de tous. Ils ont une puissance évocatrice immédiate et qui semble réellement illimitée. Il existe beaucoup de pratiques et de variations sur ces gestes, l'ensemble de ces techniques constitue d'ailleurs une discipline à par entière. On appelle ces techniques : les Drishti. (Voir plus particulièrement Shambhavi Mudrâ)
Les yeux sont aussi directement reliés à la lumière dans sa forme corpusculaire c'est à dire dans sa manifestation sous forme de photons. Dans le yoga il n'est pas de principe énérgétique plus haut que celui de la pure lumière. Ce principe essentiel est dit-on nullement séparé de la pure conscience de soi, comme les rayons ne peuvent être séparés du soleil ou encore comme la chaleur ne peut être séparée du feu.
les oreilles :
Les oreilles nous relient aux sons et la vibration, autant dire également l'importance de cette porte. Le son est également le verbe qui crée toutes choses comme étant d'abord une réalité vibratoire et énergétique. Ces portes sont ainsi associées à l'énonciation orale ou mentale de formules sonores archétypales (Bîja). Ces formulations sont le plus souvent vides de significations ordinaires, mais elles ont été repérées comme étant particulièrement représentatives de pouvoirs restés en latence au sein de la conscience. Lorsque ces formules sont énoncées et dénommées avec concentration ces véritables germes ou semences entrent en résonnance et libèrent toutes leurs charges de puissance.
Ces pratiques sont toutes reliées à une connaissance intuitive qui ne demande pas de preuves car les connaissances qu'on y acquiert se valident elles mêmes au moment où elles se manifestent. Ce champ de connaissance est d'une richesse infinie, il a été exploré depuis la nuit des temps par les Yogis qui en ont fait également une discpline à part entière, celle des Mantra et des Yantra.
Le son est le pendant de la lumière sous sa forme ondulatoire, c'est à dire sous forme d'ondes et de vibrations. Dans le yoga il est également un principe entendu comme ultime, car toute conscience ne peut être séparée de son énergie et de la vibration qu'elle manifeste, comme un mot et sa prononciation phonématique ne peut être séparé de sa signification, ou encore comme toute réalité formelle ne peut être séparée de sa connaissance fondamentale.
On peut dire que si la lumière représente la conscience et son principe d'individualité, le son représente l'énergie et son principe de manifestation. D'une certaine manière ces deux principes essentiels et fondamentaux ne sont en fait que deux aspects d'une seule et même réalité : conscience en acte ou acte de conscience, cela dépend seulement par quel bout on l'appréhende.
la langue :
Dans le yoga tantrique la langue est vue comme étant directement reliée à l'énergie sexuelle et donc à l'énergie vitale. Tôt dans la vie, l'enfant apprend de manière innée à jouer avec sa langue, plus tard il apprend l'amour avec le premier baiser et le contact d'avec la langue. Dans le Yoga la vitalité de l'individu est ainsi directemment relié à l'organe de la langue. La médecine occidentale d'ailleurs, ne voit-elle pas dans une langue bien rouge et bien pendante un signe de bonne santé !?
D'une autre manière, c'est grâce à la langue que l'individu est doué de parole et peut ainsi s'exprimer. A ce titre la langue est également directement reliée au dialogue intérieur et au mental qui sont tout deux de grands consommateurs d'énergie. Par exemple il est courrament admis que faire de longs discours ou s'exprimer oralement pour soutenir l'attention d'une assemblée est un exercice épuisant dans lequel l'individu laisse partir une grande quantité d'énergie.
C'est pour toutes ces raisons que le contrôle et les
exercices de la langue sont aussi très importants.
(Voir à ce sujet Kecharî Mudrâ et Kaki Mudrâ)
la bouche :
Elle est une porte extrêmement importante car c'est par elle que l'on se nourrit. De manière plus générale, elle comporte le palais, la luette et concerne toute la zone ORL. Son contrôle est excessivement difficile car elle est associée à un tyran qui nous laisse très rarement en paix : le ventre. C'est pourquoi dans le Yoga l'effort de la volonté se porte volontiers sur ce qui entre par la bouche ou plus exactement sur ce qui ne doit pas y entrer.
Elle est aussi le chemin que prend le souffle lorsqu'il y a grand besoin d'air, au moment d'efforts violents ou dans des situations difficiles. C'est pourquoi on la reserve pour certains souffles et certaines énergies très importantes. Ces souffles permettent alors de jouer avec des énergies très intenses, voir paroxystiques.
les mains :
Il est également inné de s'exprimer avec les mains, notre nervosité et notre dispersion vient aisément s'y manifester. Les mains cherchent à se saisir de ce qui est toujours extérieur, elles cherchent ainsi à nous porter irrémédiablement vers une activité entreprenante et ne nous laisse donc que peu de répit pour le repos et la paix intérieure. (voir à ce sujet Jñana Mudrâ et Añjali Mudrâ).
Dès que ces portes sont controlées, elles permettent de réveiller en nous des énergies latentes de grande intériorité qui sont alors autant d'archétypes énergétiques révélateurs de nos tendances enfouies au plus profond de notre être.
Les gestes associés aux mains vont alors faire naître des ressentis surgis de l'intérieur extrêment puissants et porteur de sensations nouvelles. Ces gestes immobiles engendrent des touchers particuliers ou uniques associés à des énergies emplies de beauté, d'esthétique, d'aisance et parfois même de pure grâce.
l'anus :
Il est le fondement physique de la coporéïté, il est celui par lequel on se vide, et en même temps il est une partie du corps extrêment inervé et directement relié à l'ensemble du sytème nerveux central et à la moelle épinière. C'est ainsi que de manière grossière il nous relie à la terre et nous vide par là même de nos énergies subtiles.
Son contrôle est donc capital, il est le véritable bouchon de l'énergie qui dans les moments difficiles ne doit pas être relaché. A ce propos nous trouvons beaucoup d'expressions populaires témoignant de cette réalité. Ne dit-on pas de quelqu'un qui est en difficulté : qu'il lui faut serrer les fesses, etc ...
Son contrôle s'exercera principalement par la réappropriation des muscles internes et externes du sphincter, de manière à inscrire une contraction la plus constante possible de l'anus vers le haut. Le fait de garder constamment une tenue de la base vers le haut, même légère, dans la pratique mais également dans la vie de tous les jours va permettre une stimulation très puissante de l'ensemble du système nerveux et énergétique. (Voir à ce sujet Ashvini Mudrâ).
A un certain niveau de pratique, ce geste simple va permettre au fil du temps d'inverser le cours des énergies qui ne se dirigeront non plus vers le bas et la dispersion, mais au contraire vers le haut et la réintégration.
Le nez :
Le nez est celui par lequel le souffle entre et sort, il est la porte naturelle du va et vient de l'air. Le yoga a trouvé le souffle comme le meilleur moyen de reprendre le contrôle de soi, aussi le nez et les narines constituent donc une porte très importante. De fait dans la science de la maîtrise du souffle appelé le Prânâyâma, le Yogi doit apprendre à toujours respirer avec le nez, réservant le souffle avec la bouche uniquement pour des exercices particuliers. Pour ce faire il applique des gestes sur les narines et trouve une grande intériorité au seul contact des doigts avec les narines.
La glotte :
D'une manière moins classique, la glotte constitue également une porte du point de vue de la déglutition et de ses excès lorsque cette fonction se déclenche intempestivement. Le Yoga apporte également l'attention sur cette porte car elle est reliée à une énergie subtile directement associée au souffle. Dans les exercices de grande intériorité, il est dit de porter attention à ce niveau de manière à éviter de déglutir, car sinon ce seul fait déclenche le plus souvent le retour des énergies ordinaires mentales et verbalisantes. Il faut également mentionner que la glotte est reliée à la gorge qui est vue comme le véritable centre subtil du souffle en ce sens il en est le véritable support énergétique.
Le corps :
Les Mudrâ peuvent également concerner des postures corporelles particulières.
Dans ces gestes effectués avec tout le corps, les Mudrâ se différencient des Âsana
dans la mesure où il y est excercer ce que l'on nomme bhâvana.
Ce terme sanskrit est difficile à traduire en français car il recouvre plusieurs sens. Le premier sens donné à bhâvana est indicutablement l'imagination créative. Il s'agit de pratiquer le geste avec une imagination active, par la visualisation, la remémoration, la sensation intérieure etc...
Le deuxième sens donné assez souvent est l'incarnation en soi de qualités particulières de l'énergie.
Ces énergies peuvent être en relation avec des divinités : Krishna, Kâlî, Shiva etc...
Dans tous les cas, le Mudrâ doit procurer une énergie porteuse, un oubli de la posture physique pour procurer un surcroit d'énergie et engendrer une plus grande intériorité.
(Voir les grands gestes du yoga traditionnel )