Le Prânâyâma
(L'Union au Souffle)
(Les Ghats à Bénares, photo Denis Bénevaut)
Le yoga a pour but de redevenir le maître de sa propre maison et des principes qui l'habitent. Ces principes actifs sont principalement au nombre de trois:
L'énergie ou le corps, la pensée et le souffle. Tous les trois forment comme un triangle, chaque côté étant relié aux deux autres. De fait lorsque l'on contrôle l'un des côtés, les deux autres par les liens qui les unissent se trouvent être également contrôlés.
Contrôler le corps est très difficile, le corps a des besoins incoercibles (sommeil, faim, soif, etc...) et il est donc très difficile de le contrôler.
Contrôler la pensée semble plus aisée, mais c'est faux, à l'usage elle ne cesse d'être agitée et d'aller et venir à sa guise, il est également très difficile de la contrôler.
Contrôler le souffle est la solution, il est possible de l'influencer, de le discipliner et de s'unir à lui s'y intimement que son contrôle peut s'avérer être complet ou du moins très important.
En contrôlant et se saisissant d'un des trois côtés du triangle, il est alors possible de contrôler les deux autres côtés comme par influence, car ils restent naturellement reliés au souffle.
Le contrôle du souffle est donc la technique la plus puissante et la meilleure du yoga. Cette discipline à part entière recuvre plusieurs aspects : physiologique (Matra), subtil (Sukshma), cosmique (Svara).
Ordinairement nous respirons 21600 fois dans une journée soit 15 souffles environ dans une minute. L'entrée et la sortie spontanées du souffle par les narines est une véritable récitation. Soh est le Mantra que l'on peut énoncer mentalement à l'inspiration, Ham est le Mantra que l'on peut énoncer à l'expiration. Cette récitation ininterrompue signifie : Je suis cela, Cela je le suis, je suis Je, ....
Le yogi qui reprend la maîtrise de son souffle va rallonger au fil des pratiques, le rythme de sa respiration, y compris et surtout pendant son sommeil, où le souffle peut se suspendre tout seul. Il s'en suit une moindre agitation de la pensée et un ralentissement des processus de vieillissement du corps.
La concentration ininterrompue sur le souffle, accompagnée des postures et des gestes, au fil des années et selon l'évolution de la conscience même de l'individu, permet d'ouvrir une porte vers une autre réalité. Cet accès s'avère être en fait d'une grande simplicité. C'est seulement la complexité et la sophistication de notre mental qui nous empêchent de ne nous intéresser à ce qui est tout prêt, immédiatement disponible, et d'une grande richesse. En effet, comme le plus souvent, en la conscience ordinaire, les réalités les plus simples sont aussi les plus difficiles à atteindre. Voici maintenant la révélation de cette porte d'accès :
Le souffle est un conduit subtil qui nous relie directement et incessament à notre nature essentielle, il nous unit sans conteste à notre nature universelle et éternelle. Le souffle interpénètre sans cesse l'individu à Paramâtman, l'être de tous les êtres. A chaque inspiration, nous prenons directement notre énergie vitale de l'énergie universelle, à chaque inspiration, nous traversons tous les corps, des plus grossiers au plus subtil, et nous atteignons directement l'énergie la plus pure et la plus vibrante. Et de manière indissociablement liée, à chaque expiration, nous nous reposons en la conscience la plus profonde, à chaque expiration nous déversons le goût de cette énergie dans le substrat de la conscience immuable, à chaque expiration nous touchons à l'infini de notre être.
A bien y regarder et toujours de manière subtile, cette pulsation correspond à une pénétration dans l’énergie et à son retrait dans la conscience. La contraction est la phase de pénétration, le relâchement est la phase de retrait, l’une prend possession de la puissance, (verbe avoir) l’autre la résorbe dans le repos (verbe être). La conscience prend ainsi plaisir dans son accouplement avec l’énergie, y puisant sa propre sensation, pour l’y emporter et la déverser dans le substrat de sa conscience infinie. (Pouvoir être, ou être Pouvoir). Il n'est rien de plus simple et à la fois de plus tangible.
Cette révélation est indiscutable, patente et véritable, tout enseignement du Yoga qui ne placerait pas au centre de la pratique cette attention au souffle deviendrait acculturé, dévoyé et pour finir insignifiant. Il existe d'ailleurs un Yoga qui ne requiert pratiquement que l'attention au souffle, il s'agit du Kriya Yoga initié par le Yogi légendaire Babaji Nagaraj, et dont la lignée a été rendue célèbre par le livre "Autobiographie d'un Yogi" du très grand Yogi Paramahamsa Yogananda. Enfin, en Inde, il existe un temple saturé d'énergie spirituelle dont le toit, possède 21600 tuiles, rappelant l'ensemble des souffles qu'effectue ordinairement et spontanément un individu dans une journée. Il s'agit du célèbre temple de Chidambaram dédié à Shiva en l'apect du danseur cosmique (Nataraja). La toiture de l''autel central est constitué de tuiles en or massif, recouvrant le coeur du sanctuaire, le siddha Thirumular parvint, dit-on, à l'état du soruba samadhi, par lequel le corps devient immortel et rayonnant de manière dorée, tout près de cet endroit.
Ainsi grâce au Prânâyâma, le Yogi reprend le contrôle de soi, et se rend maître de sa propre maison, à la fin au bout de très nombreux exercices, et plus sûrement encore, au bout de quelques décennies de pratique du Prânâyâma, il peut être très sérieusement envisagé d'être vivant sur terre, et dans cet univers en arrêtant complètement le souffle physiologique (Samâdhi)...